(Épître aux Éphésiens, V, 8)
Parents, maîtres et éducateurs, nous avons pour mission de mener les âmes des enfants vers la Lumière qui sera le chemin de leur vie et leur bonheur. Chaque semaine, nous vous proposons de découvrir quelques paroles de guides et de témoins pour éclairer notre propre route à l'aune de cette parole de saint Thomas d'Aquin : “Ne regarde pas à celui qui parle, mais tout ce que tu entends de bon, confie-le à ta mémoire.” (Seize conseils pour acquérir le trésor de la science). Bonne lecture !
« La fidélité est comme cette épouse qui attend son mari engagé dans la croisade : jamais elle ne désespère, et jamais elle n’oublie. »
Psichari (1883-1914)
Officier et écrivain, tertiaire dominicain
« Ce qui frappait d’abord dans son visage si ouvert aux traits frustes, un peu gros et sans autre beauté que celle des yeux, deux yeux “inoubliables, admirablement francs et droits”, des yeux aimants, des yeux frais, d’une enfantine candeur, où montait un flot de générosité inassouvie, de bonté débordante : la bonté, voilà le trait le plus saisissant de sa figure morale. Au physique, toute sa personne s’affirmait en vigueur, en santé, en solidité, en exubérance. Qu’il était donc “nature” ! Ah ! il ne fallait pas lui demander de composer sa physionomie ni son langage ! Rien d’apprêté, rien d’oblique, mais une allure dégagée, bien allante. Je suis ainsi, semblait-il dire. S’il eût affecté quelque attitude, c’eût été plutôt une sorte de rudesse, un dédain des conventions, un mépris des raffinements, de l’élégance, où se marquait d’une façon naïve et gauche son opposition aux choses de ce monde, sa volonté de s’en détacher. Comme on le sentait au-dessus ! Tout ou rien, voilà Psichari tel qu’il apparaissait dès l’abord. Une promptitude étourdissante à passer à l’action, à se donner, à s’engager. Ne l’avais-je pas éprouvé tout à l’heure quand il m’avait tendu la main ? Il se livrait au premier contact. Une chose était sûre : il avait bien pu errer, son cœur n’était pas atteint ; il n’eût pas gardé cette hardiesse ! Quelque chose de sain, de non touché, et j’oserais dire de virginal, effaçait tout le reste. Mais à la minute même que j’allais en voir ressurgir les ombres, d’où me vint cette certitude qui aussitôt m’avait fait dire : “celui-là guérira” ?… Quel singulier garçon ! on eût dit que dans ses ancêtres se levaient, se querellaient , les bretons et les hollandais, les orientaux et les celtes, les hellènes et les vénitiens, les catholiques et les protestants, les mystiques et les téméraires, toute la lignée de ses aïeux, les Renan, les Scheffer, les Biazi, les Psichari… Pour quelles “idées” hétéroclites ne s’enflammait-il pas, quand il déchaînait ainsi les puissances qui vivaient en lui ? C’était là son tempérament. Ce tumulte de pensées confuses, aussi contradictoires que les apports héréditaires qui composait son sang. Ces “idées”, il en sortait de partout ! Mais que cette exaltation paraissait, en son fond, douloureuse : on y sentait comme une fureur sauvage… Car ce grand vivant n’était pas un théoricien, ce soldat un faiseur de systèmes : rien qu’une volonté d’action, une volonté droite et sûre de ses chemins : “Traitez-moi de fol, si vous voulez, songeait-il. Moi je vous dis que sous ma folie je suis un sage et que ce que j’ai fait est bien fait.” Et son impatience nous criait : “Vous voyez bien que je ne puis plus vivre ici !” Sa tendresse en était accablée ,et, dans ses yeux aimants, je vis s’entr’ouvrir un abîme de solitude et d’exil … Partir, il fallait partir : assez de détours, de complaisances, d’inutiles regrets, de regards en arrière. Aller droit devant soi, et pour éprouver la trempe de son âme, rompre les derniers liens. C’est parce qu’il avait compris cela, qu’on pouvait dire : il est sauvé. La vie, sa vie, allait le dégager, l’entraîner d’un grand coup d’aile : rien de beau en lui ne pourrait plus se perdre… Celui qui avait une fois rencontré son regard, “ce regard pur allant droit devant soi, ce regard de toute clarté”, celui-là, découvrait qu’Ernest Psichari avait une âme et qu’“il était né pour croire et pour espérer, qu’il avait une âme qui n’était pas faite pour le doute, ni pour le blasphème, ni pour la colère”. Nous sentions qu’il ne se plaisait pas comme tant d’autres à son mal. Il ne disait point : “je suis perverti, mais qu’y faire ?” Tout était en lui, d’une telle ardeur, d’une telle violence droite, qu’un jour viendrait où cette passion se porterait vers l’unique objet de toute recherche et qu’elle voudrait la force, la noblesse et la candeur avec une pareille exigence, avec un semblable emportement. »
Henri Massis (1886-1970)
Critique littéraire, essayiste politique et historien de la littérature
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