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La perfection atteinte

« Marchez comme des enfants de lumière »
(Épître aux Éphésiens, V, 8)

Parents, maîtres et éducateurs, nous avons pour mission de mener les âmes des enfants vers la Lumière qui sera le chemin de leur vie et leur bonheur. Chaque semaine, nous vous proposons de découvrir quelques paroles de guides et de témoins pour éclairer notre propre route à l'aune de cette parole de saint Thomas d'Aquin : “Ne regarde pas à celui qui parle, mais tout ce que tu entends de bon, confie-le à ta mémoire.” (Seize conseils pour acquérir le trésor de la science). Bonne lecture !

Ce matin où nous l’avons cherché, au bout de la vallée des moulins à papier, on nous a dit qu’il était dans la montagne comme tous les samedis : au vieux couvent, à l’école des petites filles. La route montait très roide, tournait, tournait encore… Je revois, sur un terre-plein, ce couvent massif étrangement silencieux, en balcon dans le vide. Aucun bruit. En poussant une porte, au hasard, j’ai trouvé Henri Charlier debout, un livre au poing, devant deux douzaines de petites filles et leur expliquant l’office du lendemain dimanche… Car c’est là, dans le paroissien, que sont les grands textes qui disent tout, selon le cycle de l’année ; et voilà ce à quoi il faut tenir, cette réalité même de l’année décrivant son cycle et du livre préparé pour tous… Au fond de la pauvre salle, en cette école perdue très haut dans le brouillard, j’ai retrouvé ce paysan du retour aux données naturelles et à la Source, en train d’enseigner ainsi la liturgie à vingt-quatre petites villageoises. Il n’y avait pas de quoi être surpris. Pour rendre à la paysannerie les éléments de culture que lui fournissaient autrefois l’Église et sa propre coutume de chansons et de danses, Henri Charlier s’est fait depuis un quart de siècle professeur de chant dans une école de village. Il peut bien se faire professeur de théologie. Et je crois qu’il est davantage : un théologien.

Henri Pourrat (1887-1959)
Écrivain

« La liturgie a composé pour le récit de la Passion qui se chante quatre fois dans la Semaine Sainte, selon chacun des Évangélistes, une ordonnance dramatique aussi parfaite qu’a pu être celle du drame grec. Deux acteurs principaux : le Récitant et le Christ ; un troisième rôle, celui de la foule des Juifs, est tenu par la Schola, ou mieux encore, par l’assistance entière. Chacun des rôles a son registre : Le Récitant chante dans un registre moyen, le Christ dans un registre grave, la Synagogue dans un registre élevé. Il y a donc trois lignes mélodiques, chaque phrase du texte venant s’adapter d’après son rythme propre à la mélodie une fois pour toute fixée. À un musicien qui eût cherché le pittoresque, les scènes de la Passion offraient de nombreux prétextes : l’arrestation au Jardin des Oliviers, l’interrogatoire chez le Pontife, avec la foule des esclaves et Pierre parmi eux, la scène du prétoire et le dialogue avec Pilate… Il pouvait nous suggérer le bouleversement des éléments lorsque sonne la neuvième heure. Le musicien grégorien a préféré à cela une simple récitation sur trois lignes mélodiques, mais le rapport entre ces trois lignes est si justement choisi que toute l’essence du grand drame de la Rédemption se trouve exprimée : alors, que lui importe le reste ? Tout est là. Après cette récitation dramatique de la Passion, on achève la lecture par le ton de l’évangile et, pour cette dernière partie, une mélodie admirable commence pour chaque phrase par une vocalise étonnante sur la première syllabe, pareille à ces grandes majuscules très ornées qu’on trouve dans les anciens manuscrits, et tout l’art du musicien a été de trouver la cadence dont la retombée fût dans un rapport juste avec l’élan initial. Je ne connais rien dans la musique qui donne davantage le sentiment de la perfection atteinte. »

André Charlier (1895-1971)
Professeur, directeur de l’école des Roches, écrivain


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