« Toute la valeur de l’homme est dans sa recherche, son appel, son désir. »

Marie Noël (1883-1967)
Poétesse

« À quinze ans, Marie demanda “trois choses folles à Dieu : beaucoup souffrir, être poète, être sainte”. Elle ne dit rien à personne mais son père comprit qu’elle traversait une crise intérieure grave, s’inquiéta de son extrême nervosité, des excès de son imagination incontrôlée. Un jour, excédé, il lui lança : “Ah ! tu en as, toi, une arrière-boutique !” Expression imagée qui traduisait bien l’état de sa fille, la tête remplie de secrets. “Une arrière-boutique, écrit Marie Noël, il fallait bien. Comment mettre à l’étal, tous ces rêves à peine éclos, ces espérances nouveau-nées qu’un rayon trop aigu pouvait tuer”. Peu à peu, tout cela sortit de l’arrière-boutique. Dans sa chambre, Marie écrit en cachette ses premiers poèmes pour exprimer sa profonde inquiétude devant la vie et son besoin d’amour. Repliée sur son cœur en attente, elle livra un jour son secret à son parrain Raphaël Périé, un agnostique, féru de poésie, et lui confia son carnet. Il l’écouta, lut ses poèmes, reconnut sa vocation poétique et lui conseilla de travailler son art. Puis, à la première occasion, il dit tout de go, à Louis Rouget, médusé : “Ta fille est un poète. Son art exprime une pureté passionnée. La neige qui brûle”. “D’aucuns s’étonnent de mon chant sombre à cause de mes candides allégresses… N’ont-ils jamais contemplé le miracle de la rose de Noël ? La rose de Noël, triste et sans fleur toute l’année. La rose de Noël qui s’appelle Ellebore-Mélancolie et serre dans sa racine un poison noir. Mais quand vient Noël, par une grâce de Dieu, elle sort du gris de l’hiver et des feuilles sombres comme autant de petites bougies allumées. Je suis ainsi noire et, parfois, lumineuse par grâce. Et j’ai un nom qui le dit bien : Marie Noël”. »

Jean Peyrade (XX^e s.)
Écrivain