« Nous jouons une partie infinie, en ce qu’elle est d’un enjeu infini. »

Henri Massis (1886-1970)
Critique littéraire, essayiste politique et historien de la littérature

« Un homme de salon, certes, mais plus encore homme d’intimité, causeur éblouissant, taillant ses propos comme des diamants, et aussi curieux du détail des choses qu’attentif à leur substance, ouvert à tout ce qui est jeune par l’âge ou par le cœur et jeune lui-même en dépit des années, et des épreuves, avec des spontanéités et des saillies d’étudiant et mêlant à ses feux juste assez de cendre pour étouffer l’illusion sans diminuer l’enthousiasme. Tout en lui appelle l’échange direct et vivant. Il faut l’avoir entendu et causer avec un ouvrier ou un paysan et confronter les méditations de l’intelligence avec la sagesse élémentaire des humbles… (…) Mais c’est dans l’amitié – avec tout ce qu’elle comporte de ferveur, de transparence et d’abandon viril – que s’épanouit la vie de son âme et de son esprit. (…) Que l’âpre bataille des idées l’ait séparé de certains compagnons de lutte qui passèrent au camp adverse, c’est là sans doute, la plus dure épreuve que le destin réservait à cet homme pour qui la fidélité à l’esprit domine, sans l’abolir, la fidélité du cœur. Mais la plaie intérieure, que creusèrent en lui ces ruptures, atteste qu’il ne s’est jamais séparé vraiment de ceux qui l’ont abandonné ou renié. Souffrir de ce qu’on a perdu, c’est la posséder encore. J’ai prononcé le mot de fidélité : c’est peut-être celui qui s’applique le mieux à cette nature passionnée à long terme. Fidélité aux idées et fidélité aux hommes qui les incarnent : Massis a payé cher ce rare et redoutable privilège. Témoin de l’éternel, Massis n’a jamais cessé de lutter contre le courant des idolâtres éphémères. C’est dans ce sens que nous devons honorer en Massis un de ces élus de l’esprit qui sont nés, suivant le mot de Shakespeare : “pour remettre les choses à leur place”. »

Gustave Thibon (1903-2001)
Philosophe