« Être dans le vent : une ambition de feuille morte. »

Gustave Thibon (1903–2001)
Philosophe

« (…) Tandis qu’il me conduisait de Chambéry à Aix dans sa voiture, le docteur Specklin me dit qui était Thibon : “Un fils de paysan, un paysan lui-même qui, Dieu merci, est resté paysan… Thibon n’a d’autre diplôme que le certificat d’études, car, dès sa douzième année, il dut aider son père, vigneron à Saint-Marcel-d’Ardèche. Le hasard d’un voisinage mit à la disposition de ce petit paysan une bonne bibliothèque où sa passion du savoir put s’assouvir… Sans jamais délaisser le travail de la terre, il apprit tout seul le latin, le grec, l’allemand et les mathématiques ; il lut les philosophes, les théologiens, les poètes aussi, et, comme son père, il sait des milliers de vers par cœur… » « Une des plus fortes intelligences que nous ayons, un philosophe chrétien comme il nous en faudrait beaucoup », ajouta le docteur Specklin. (…) L’esprit est non seulement vérité, il est aussi amour. Voilà ce qui, chez Gustave Thibon, nous a conquis d’emblée. Ce qu’il y a au foyer de sa pensée, ce sont ces vérités brûlantes et qui emportent l’âme : « Aimer un être, c’est lui dire : “Tu ne mourras pas.” Ou : “Notre Dieu n’est pas le Dieu des Morts, mais le Dieu des Vivants et rien de ce qu’il aime ne saurait mourir,” Ou encore : “On n’échappe pas à Dieu ! Qui refuse d’être son enfant sera éternellement son singe. L’effrayante caricature des mœurs divines qui sévit partout où Dieu cesse d’être connu et aimé témoigne assez de cette fatalité.” Oui, ce que nous aimons en Thibon, c’est qu’il fasse descendre du ciel sur la terre l’échelle de Jacob pour nous convier aux vendanges divines… »

Henri Massis (1886–1970)
Critique littéraire, essayiste politique et historien de la littérature