La vérité, Erlend, c’est que peu naissent grands seigneurs, mais que tous naissent pour servir. La vraie aristocratie, c’est d’être le serviteur de ses serviteurs.

Sigrid Undset (1882-1949)
Auteur de Christine Lavransdatter

« Il y avait des années que Naakve avait commencé à comparer son père aux autres hommes – son père était le plus beau, celui qui avait le plus l’allure d’un chef. Sa mère était la mère qui mettait au monde de nouveaux enfants ; ceux-ci grandissaient en passant des mains des femmes à la vie, à la société, aux luttes, à l’amitié du groupe fraternel ; sa mère avait les mains ouvertes et toujours prêtes à donner ; sa mère savait porter remède à presque toutes les choses mauvaises ; sa mère était à la ferme comme le feu sur le foyer, elle portait la vie du foyer comme les terres de Husaby portaient les récoltes annuelles ; la vie et la chaleur avaient son odeur comme celle du bétail dans l’étable des bêtes à cornes et des chevaux à l’écurie. L’enfant n’avait jamais songé à la comparer à d’autres femmes… Brusquement, ce soir, cela lui sautait aux yeux : sa mère était une fière et belle femme. Une femme au large front blanc sous l’étoffe de lin, aux yeux gris d’acier et au regard droit sous les arcs paisibles de ses sourcils, à la forte poitrine et aux membres longs et bien faits. Elle tenait le haut de son corps droit comme la lame d’une épée. Mais de tout cela il ne pouvait parler, et il marchait silencieux, une main de Christine posée sur sa nuque. »

Sigrid Undset (1882-1949)
Auteur de Christine Lavransdatter