Nous soutenir

Un monde faramineux

« Marchez comme des enfants de lumière »
(Épître aux Éphésiens, V, 8)

Parents, maîtres et éducateurs, nous avons pour mission de mener les âmes des enfants vers la Lumière qui sera le chemin de leur vie et leur bonheur. Chaque semaine, nous vous proposons de découvrir quelques paroles de guides et de témoins pour éclairer notre propre route à l'aune de cette parole de saint Thomas d'Aquin : “Ne regarde pas à celui qui parle, mais tout ce que tu entends de bon, confie-le à ta mémoire.” (Seize conseils pour acquérir le trésor de la science). Bonne lecture !

Les parents avaient pris ce parti dès leurs fiançailles : sourire, toujours sourire, pour vivre juste.

Claudine Vincenot (1938-2024)
Auteur de Le maître du bonheur, à mon père Henri Vincenot

« De fait, chez moi, je n’ai jamais entendu potiner sur les voisins ni médire des autres. On en parlait si peu, des autres, que je ne savais pas trop qu’ils existaient, sinon pour leur dire poliment bonjour ou m’excuser en passant devant eux. Ils formaient une entité assez terne à laquelle je prêtais peu d’attention, enfermée dans ma bulle lumineuse qui avait pour limite les bordures d’iris, de pivoines, les lilas et les murs des Buissonnets. Il y avait bien trop à faire à la maison pour que le monde extérieur m’importât. Maison pleine de vie, de rires, de fessées, qui sentait bon l’encaustique, la lessive sur le feu, les confitures dans le chaudron, la térébenthine et l’huile de lin mêlées au bleu de cæruleum, à la terre de Sienne et au vert Véronèse sur la palette du peintre. Tout cela dans l’omniprésence de ma mère, dont la peau avait la douceur dorée de la pêche mûre et le parfum poivré de la giroflée. C’est par les odeurs et les couleurs que je retrouve le mieux la maison d’enfance, maison onirique faite de tant de lieux divers, mais toujours bien implantée en moi, sa cave en mes viscères, et son aérien grenier sous mon crâne. Le parfum des buis, tout d’abord : chauffés par le soleil mordant de mars, ils exhalent leur caractéristique et entêtante odeur de pipi de chat. Ce sont eux qui fournissent aux Dijonnais les palmes du dimanche des Rameaux. Ma mère décorait les nôtres en y accrochant des petites figurines en pain d’épices glacé de sucre rose ou blanc. Endimanchés et tout fiers, nous partions à la messe à Saint-Bénigne en une innocente et joyeuse procession familiale sur le chemin qui longe la voie ferrée et passe près des Chartreux où mon père nous emmenait admirer le Puits de Moïse. Ce qu’il sculptait en rentrant à la maison était l’écho de ce que nous avions vu et cette circulation de la vie entre chez nous et les lieux sacrés ou historiques nous encourageait, secrètement, à penser que nous participions d’un monde faramineux. »

Claudine Vincenot (1938-2024)
Auteur de Le maître du bonheur, à mon père Henri Vincenot


Dans la même catégorie « Éducation - Pédagogie », lisez aussi :
error: Content is protected !!